Vers un plus grand respect des textures de la bière
Le geste que pose un brasseur lorsqu’il gazéifit sa bière est un peu comme celui d’un pâtissier qui fait lever son gâteau au four. L’objectif est d’aérer les flaveurs autrement trop lourdes, trop sucrées de son mélange afin qu’il devienne agréable à déguster. Un pâtissier n’oserait jamais mettre toutes ses créations au four à la même température pour la même durée, le résultat étant potentiellement plus que décevant pour certaines recettes. Dans le monde des bars et brouepubs de l’Amérique du Nord cependant, la très grande majorité des bières servies sont gazéifiées au même niveau d’intensité. Peu importe son style, peu importe le niveau de ses sucres résiduels, on gazéifie généralement la bière en fût entre 2 et 2,5 volumes de CO2. C’est une des raisons qui explique qu’une bière d’inspiration belge que l’on connait bien en bouteille (parfois gazéifiée au-delà de 4 volumes!) est souvent difficile à identifier lorsqu’elle se voit servie en fût. L’impression qu’elle laisse en bouche, la façon avec laquelle ses flaveurs s’expriment, diffère grandement de la version embouteillée.
La variation du niveau de gazéification est beaucoup plus grande chez les bières en bouteille.
Le niveau de gazéification d’une bière affecte, entre autres, la perception des sucres résiduels en bouche, l’expression des arômes et des saveurs des houblons ainsi que la teneur globale du profil de saveurs sur le palais. Tout brasseur en est conscient. C’est pourquoi, en bouteille du moins, la texture d’une bière varie grandement selon son style, son inspiration. Des bières à la belge et des Weissbier allemandes sont plus gazéifiées que la moyenne (pouvant aller jusqu’à 5 et même 6 volumes de CO2 dans certains cas) et des styles anglais visent souvent bien en deça des 2 volumes.
1 volume de CO2 est un litre de CO2 à 20 degrés Celsius à une pression d'un atmosphère dans un litre de bière.
Où voulons-nous en venir? L’univers brassicole québécois se démarque déjà au pays par sa diversité, sa grande qualité et sa créativité. Sur les tablettes et dans les bars se côtoient des centaines de bières d’inspirations variées, souvent de calibre impressionnant. Rien à envier à la vaste majorité des états américains de ce côté. Mais comment le Québec pourrait-il se démarquer davantage afin de se tailler une place en tant que culture brassicole d’exception? La prochaine étape, celle qui pousserait le Québec vers de nouveaux horizons de qualité inégalée en Amérique du Nord, est celle du respect des textures de la bière lorsque servie en fût dans les bars et brouepubs.
Quelques pistes vers l’accomplissement de cet objectif lors de notre second billet sur le sujet, suivi de commentaires de quelques brasseurs de renom quant à la faisabilité de ces ‘pistes’…